Ces images de la dernière performance d'Elvis jettent une nouvelle lumière sur les derniers jours du King

Puisque l’on parle d’une époque où les smartphones n’existaient pas encore, il n’est pas surprenant que les images du concert soient relativement rares. Pourtant, il est clair que le dernier concert d’Elvis n'était en rien ordinaire. C'est peut-être simplement parce que le King était un artiste extraordinaire. Ou peut-être est-ce dû au fait qu'il semblait savoir que ce concert serait son dernier.

Ce concert historique était particulièrement émouvant. En plus de livrer de solides interprétations de ses plus grands succès et de plusieurs reprises bien choisies, le King a également accueilli toute une série de personnages clés de sa vie pour partager la vedette avec lui.

Il est évident qu'Elvis Presley n'était pas au mieux de sa forme lors de son dernier concert. De plus, divers membres de la presse semblaient se réjouir de sa chute. Dans un article particulièrement cinglant, le journaliste Tony Scherman avait décrit la star comme une « caricature grotesque de la personne élégante et énergique qu’il avait été ».

Il est cependant juste de dire que Presley avait tendu le bâton aux journalistes pour se faire battre. Par exemple, son concert à Alexandrie, en Louisiane, avait duré à peine une heure. Un autre concert devant être donné à Baton Rouge avait dû être annulé parce qu'il n'avait pas pu rassembler l'énergie nécessaire pour sortir du lit. Et trois autres dates avaient également dû être annulées à cause du comportement erratique de la star sur le déclin.

Presley lui-même ignorait ou ne se souciait pas particulièrement de l'opinion du monde extérieur le concernant. Il passait son temps libre à lire des livres de spiritualité ou à rester dans sa chambre, invitant parfois son cousin à discuter de ses sketchs préférés des Monty Python. Mais il tombait aussi régulièrement dans un état de paranoïa – établissant ainsi inévitablement des comparaisons avec un autre reclus célèbre, Howard Hughes.——

Presley avait sorti ce qui serait son dernier single, Way Down, la première semaine de juin de cette même année. Et peu de temps après, il a enregistré deux concerts en direct pour l'émission spéciale Elvis in Concert de CBS. L'un des journalistes présents au premier concert, Peter Guralnick, a déclaré que le chanteur était « un petit instrument pareil à un enfant, qui parle plus qu'il ne chante la plupart des chansons, à du mal à suivre la mélodie et est pratiquement incapable d'articuler ou de projeter quoi que ce soit. »

Cela dit, le même journaliste a été un peu plus impressionné par la deuxième performance de Presley à Rapid City dans le Dakota du Sud, deux jours plus tard. Guralnick a en fait noté que la star « avait l'air en meilleure santé » et « chantait mieux ». Et pourtant, le critique déclarait également que le visage du King était « encadré d'un casque de cheveux bleu-noir d'où la sueur coule sur les joues pâles et enflées. »

Mais malgré l’accueil glacial donné à ses concerts et son bien-être général inquiétant, Presley est revenu sur scène quelques jours plus tard. En effet, le 26 juin 1976, la légende du rock and roll s'est rendue au Market Square Arena d'Indianapolis pour ce qui allait être un concert historique. Et près de 18 000 fans sont venus pour le voir.

Et sans aucun doute, certains de ces spectateurs n'avaient réservé des billets à la dernière minute que grâce à l'article impertinent du Indianapolis Star concernant le concert. Ce journal local disait : « Si vous admirez le dos d'Elvis Presley, vous pouvez toujours acheter des places à 15 $ derrière la scène pour son concert au Market Square Arena demain soir. » Ce prix correspond à environ 60 $ d'aujourd'hui.

Les spectateurs ont eu droit à divers actes d'ouverture - allant d'une fanfare à un comédien de stand-up - avant que le King ne monte sur scène à 22h00. Sa venue a été annoncée avec une version du poème symphonique de Richard Strauss, « Ainsi Parlait Zarathoustra. » Et Elvis a ensuite interprété un classique du blues, See See Rider.

Pendant ce temps, la foule était apparemment mitigée. Le journaliste d'Indianapolis News, Zach Dunkin, avait alors écrit : « Le public conservateur était composé de gens de 35 ans, parsemé de plusieurs adolescents curieux. Il y avait des femmes habillées de manière à se faire remarquer et des fans de Presley habillés comme lui. Quelques bambins étaient également présents parce que maman et papa n'avaient pas pu trouver de baby-sitter. Faites de la place pour une deuxième génération de fans de Presley ! »

Dans tous les cas, au cours des 80 minutes qui ont suivi, ces fans ont pu entendre divers classiques d'Elvis interprétés en direct, notamment Hound Dog, Jailhouse Rock et Little Sister. Il a aussi parfois ralenti les choses avec des morceaux plus mélancoliques tels que Hurt et I Really Don't Want to Know. Et il a couplé Don't Be Cruel avec Teddy Boy.

Mais Presley a également repris plusieurs chansons rendues célèbres par d'autres artistes. Elles comprenaient le tube signature de Simon et Garfunkel, Bridge Over Troubled Water, et Johnny Be Goode de Chuck Berry. Et la liste comprenait également quelques performances en solo de divers membres du groupe de Presley. Il y avait cependant quelque chose d'inhabituel dans le comportement du King.

Comme on pouvait s'y attendre, Presley était soutenu par un orchestre et un groupe de musiciens accomplis pour accompagner ses célèbres tonalités suaves. Ces artistes comprenaient le pianiste Tony Brown, le claviériste Bobby Ogdin, les guitaristes John Wilkinson et James Burton, le bassiste Jerry Scheff et le batteur Larrie Londin. Mais c'est la façon dont il les a présentés qui a attiré l'attention des fans.

De manière très inhabituelle, Presley a présenté chaque musicien, ainsi que plusieurs autres noms clés de sa vie, à la foule venue nombreuse. Ce n'était pas quelque chose que le King faisait normalement. Et cela a amené certaines personnes à croire que Presley avait eu le pressentiment qu'il approchait de sa fin. Peut-être voulait-il rendre hommage à ceux qui l'avaient soutenu tant qu'il le pouvait encore.

Cependant, il existe une autre théorie expliquant pourquoi la star semblait être d'une telle humeur. Une biographie choc écrite par ses ex-gardes du corps Red et Sonny West devait être publiée peu de temps après le concert. Et Elvis aurait été préoccupé des dégâts que les chapitres concernant ses problèmes de toxicomanie pouvaient causer à sa carrière.

Parmi les personnes mises en valeur par Presley alors qu'il était sur scène, on comptait son père, sa petite amie, sa famille et Ginger Alden. Le King avait commencé à sortir avec le mannequin l'année précédente, et il lui avait ensuite offert une bague de fiançailles incrustée de diamants. Tragiquement, Alden devait être la première personne à découvrir le corps de Presley le jour de son décès.

Presley a clôturé le spectacle avec une interprétation touchante de sa ballade populaire Can't Help Falling in Love with You. Et avant de quitter la scène pour ce qui s'avérera malheureusement être la dernière fois, la star a fait ses adieux à un public captivé par les mots suivants : « On se reverra. Dieu vous protège. Adios. »

La performance finale de Presley a semblé plaire à la plupart des quelque 18 000 fans présents ce soir-là la Market Square Arena. Mais il en allait tout autrement des critiques. La réponse la plus cinglante est venue de Zach Dunkin, un chroniqueur pour Indianapolis News, qui n'avait certainement pas peur de dire ce qu'il pensait.

Tout d'abord, Dunkin a demandé pourquoi le King avait organisé ce concert. Il déclarait : « [Presley] n'a évidemment pas besoin d'argent. Apparemment, il ne se soucie pas non plus de la façon dont ses concerts se déroulent. » Eh oui ! Il n’avait visiblement pas apprécié ce qui avait été proposé en ouverture du concert, avant l'arrivée de Presley sur scène.

« C'est comme devoir se coltiner un avaleur d'épée et un cracheur de feu avant de voir la VRAIE attraction », écrivait Dunkin à propos des performances de la première partie. Le critique n'était pas non plus fan des techniques utilisées par les vendeurs de marchandises. Apparemment, les fans avaient dû écouter plusieurs annonces les implorant d'acheter des souvenirs.

Mais c’est bien le King lui-même qui a le plus fait les frais de la colère de Dunkin. En toute honnêteté, l'écrivain reconnaissait qu'il avait admiré les interprétations de Bridge Over Troubled Water et Hurt. Mais il n'avait vraiment pas aimé le fait que Presley avait dû interpréter ces chansons tout en en lisant les paroles sur une feuille.

Dunkin terminait sa critique en finissant d’enfoncer le clou : « Il est temps que les fans de Presley arrêtent de protéger leur idole et commencent à exiger plus. Ils savent que le “King“ peut faire mieux. » Et pourtant, sa suggestion a eu l'effet inverse. En effet, les partisans de Presley ont envoyé à Dunkin une vague de courriers haineux en réponse à ses critiques de leur idole bien-aimée.

Dans un entretien avec John Krull, Dunkin rappelait combien de fans lui avaient dit qu'il était simplement jaloux des talents de Presley. D'autres lui avaient adressé des attaques plus personnelles. Et pourtant, le critique affirmait que tous les fans n'étaient pas aussi hostiles. Dans une lettre, par exemple, un admirateur du King était d'accord avec Dunkin, disant que la star « aurait dû rester à la maison. »

Une critique plus sympathique du concert est venue de Rita Rose de The Indianapolis Star. Elle écrivait : « Alors que les lumières de l'arène [étaient] éteintes après l'entracte, vous pouviez sentir un appel silencieux se propager dans le public : s'il-te-plaît, Elvis, ne sois pas gros. À 42 ans, Elvis porte toujours une bouée autour de l’abdomen. Mais cela ne l'empêche pas de donner une performance dans le plus pur style Presley. »

Et bien que Rose ait peut-être commencé son article de manière assez sceptique, elle allait rapidement changé de ton. Elle faisait en particulier l'éloge des interprétations qu’Elvis avait données de This Time You Gave Me a Mountain et It's Now or Never. De plus, elle notait aussi à quel point la foule venue nombreuse avait été excitée de voir leur idole sur scène.

Rose écrivait : « Elvis a limité ses gestes de karaté. Mais les positions qu'il prend avec sa guitare ont généré des cris et des hurlements de fans ravis. De nombreuses femmes du public se sont également bousculées pour attraper l'une des différentes écharpes suspendues par le King depuis la scène. » En effet, Zach Dunkin avait aussi affirmé que le King avait jeté pas moins de 46 foulards différents pendant le concert.

En 2018, un fan du nom de Todd Slaughter a expliqué à quel point il avait été stupéfait en voyant son héros sur scène à Indianapolis. Il déclarait à The Big Issue : « C'était un concert spécial. Il a chanté de tout son cœur. N'ayant auparavant vu Elvis sur scène qu’à Las Vegas, devant un public de 2 000 personnes, l'ambiance était tout aussi électrique [à ce concert]. Et tout le public a hurlé quand il a annoncé qu'il y avait 250 Britanniques dans le public. »

Slaughter lui-même occupe en fait une place particulière dans l'histoire du roi du rock and roll. Le Britannique – qui a présidé un fan club britannique pendant plus d'un demi-siècle – a ensuite rencontré son idole à l'aéroport d'Indianapolis. Et les images de cet événement sont les dernières à avoir été capturées de Presley avant sa mort.

Il n'y a jamais eu de sortie officielle de l'enregistrement du concert. Cependant, des images granuleuses du concert peuvent être visionnées sur YouTube. Et des années plus tard, un bootleg non officiel du concert a été mis à disposition par AJ Records sous le titre de The Last Farewell avant d'être réédité sous le nom Adios : The Final Performance.

Presley avait bouclé son dernier enregistrement officiel fin octobre l'année précédente. La star était entrée dans le studio dit Jungle Room de sa maison de Graceland pour enregistrer un overdub vocal sur un morceau intitulé He'll Have to Go. Et la chanson est apparue sur Moody Blue, le 24ème album de Presley, sorti un mois seulement avant son décès.

Pourtant, la dernière performance d’Elvis n'était pas réellement au Market Square Arena d'Indianapolis. En fait, il s'agissait d'une version pour piano de Blue Eyes Crying in the Rain, interprétée quelques heures seulement avant son décès dans sa maison de Graceland. La chanson avait été un succès de la légende de la country, Willie Nelson, deux ans auparavant.

Presley devait en fait quitter sa ville natale de Memphis le jour-même afin de se lancer dans une autre tournée. Mais le King n'allait plus jamais mis les pieds hors de sa maison de Graceland. En début d'après-midi, la petite amie de Presley, Ginger Alden, l'a trouvé allongé sur le sol de l'une de ses nombreuses salles de bains.

Alden allait raconter en ces termes ce qu’elle avait alors vu : « Elvis avait l'air d'avoir figé son corps en position assise alors qu'[il utilisait] sa chaise d'aisance, puis était tombé en avant, dans cette position fixe, juste devant. Il était clair que, depuis le moment où il avait [eu son infarctus] jusqu'au moment où il était tombé au sol, Elvis n'avait pas bougé. »

La mort de Presley a été officiellement confirmée au Baptist Memorial Hospital à 15h30 plus tard le même jour. Environ 80 000 fans ont ensuite envahi la route processionnelle allant de sa maison de Graceland au cimetière de Forest Hill après ses funérailles, le 18 août. Et le King a été enterré aux côtés de sa mère, Gladys Presley, décédée en 1958.

Malheureusement, le lieu du dernier concert historique d'Elvis n'est plus debout. Après sa démolition en 2001, l'espace autrefois occupé par la Market Square Arena a été transformé en parking. Cependant, une plaque commémorative y a été placée afin de célébrer et commémorer un morceau aussi important de l'histoire du rock and roll.

La plaque a ensuite été déplacée le long du Indianapolis Cultural Trail avant d'être déplacée lors de la construction du siège du constructeur de moteurs Cummins. Puis, en 2018, elle a été de nouveau déplacée au 320 E. Market St., juste à l'extérieur d'un magasin Whole Foods. Et une capsule temporelle contenant un enregistrement du concert a également été scellée lors de la cérémonie pour célébrer le nouvel emplacement de la plaque.

Kay Lipps, co-fondatrice du Presley Memorial Benefit Committee, a aidé à organiser le mémorial. Et, fait intéressant, Lipps était également l'une de ces 18 000 fans chanceuses qui s'étaient entassés dans la Market Square Arena en ce jour historique de juin 1977. Elle était en fait au tout premier rang.

Lipps a d’ailleurs déclaré à l'Indianapolis Star qu'elle avait particulièrement apprécié l'interprétation de Bridge Over Troubled Water par Presley. Et d’ajouter : « C'était l'un de ses meilleurs concerts des dernières années de sa vie. J'étais content de le voir. Il était de bonne humeur et c'était Elvis. Sa voix, bien sûr, était incroyable. »